Mon travail photographique est une exploration personnelle, un récit intime sur la féminité et la résilience. À travers mes séries, j’essaie de traduire l’invisible. Souffrant d’endométriose et diagnostiquée depuis près de 15 ans, la maladie a rythmé ma vie. La photographie s’est présentée d’abord comme une échappatoire puis comme un outil thérapeutique. Mon travail porte l’empreinte de la maladie.

Comment l’endométriose affecte-t-elle la perception de soi ? Comment la maladie peut-elle se faire lien quand elle provoque l’isolement ? J’interroge le spectateur, invite à l’introspection et provoque le dialogue sur la complexité de cette maladie. Je pratique en quelque sorte la maïeutique aussi bien pour le spectateur que pour moi-même.

Après plusieurs travaux autour de ma perception de la maladie, entre douleur, solitude, réconciliation et conflit avec mon corps, je ressens aujourd’hui le besoin d’explorer d’autres angles, d’autres perspectives sur l’endométriose. J’entame un travail plus holistique. Je m’intéresse à la question de la transmission transgénérationnelle qui combine récit personnel et familial. 

Je m’interroge sur ce qui fait lien. Entre l’environnement, l’éducation, la génétique, les traumatismes possibles, j’essaie de trouver du sens là où peut-être seul le mystère est roi. Ou bien, est-ce mon excuse pour faire lien avec ma famille, avec le spectateur.

Parallèlement, j’explore le médium photographique comme objet tangible et unique. J’utilise en grande partie la photographie instantanée, le polaroid, comme outil de prédilection, mais me laisse volontiers guider et surprendre par d’autres outils et techniques. J’emprunte également aux arts plastiques. Je perce, colle, transfert, photocopie... Je fais subir à mes images ce que peut ressentir mon corps.
Lors de mes expositions, l’installation me permet d’approcher une expérience presque immersive pour le spectateur. Je propose finalement un récit à la fois personnel et partagé, une invitation à l’empathie.

Je me suis donné pour mission d’offrir une nouvelle représentation de l’endométriose, d’explorer un langage visuel plus sensible. Je souhaite créer une collection d’éléments photographiques et de divers supports créatifs autour de l’endométriose afin de constituer un fonds semblable à un cabinet de curiosités consacré à cette maladie.

Impossible reproduction (2020)

Impossible reproduction est un acte photographique qui regroupe aujourd’hui plusieurs séries de photographies, un projet de livre autobiographique et photographique, ainsi qu’une série d’expérimentations (impressions calques, broderies, peintures, transferts d’émulsions multisupport...). Cet ensemble forme un témoignage (photo)sensible sur une vie de femme. 

Il y a plusieurs motifs qui ornent mon travail : la nature, le féminin et la douleur. 

L’endométriose est un élément déclencheur de l’appareil photo. Ma pratique évolue en parallèle de mes symptômes et de mon rapport à mon environnement. 

Ma première série Vendetta est un ensemble de polaroids sur lesquels sont brodés au fil argenté des formes qui s’apparentent à des utérus. La broderie m’a permis d’exprimer quelque chose d’invisible et d’indicible. Il s’en est suivi de nombreux autoportraits ou représentations de morceaux de corps qui m’ont permis, petit à petit, de travailler sur la solitude et la reconstruction du moi. Les expérimentations restent incontournables. Je perce, colle, décolle, peint, superpose, juxtapose...

J’apparente aujourd’hui ma pratique de la photographie à de la maïeutique. Je mets en images mes maux, physiques et psychologiques, toutes ces questions suspendues, ces pensées bien ensevelies. La photographie se présente à moi comme un outil thérapeutique très puissant.

Impossible reproduction / Reproduction impossible / production possible / Reproduire comme imiter, numériser, créer la vie / Impossible, un possible, des possibles / I’m possible reproduction / Reproduction, duplication, restitution, procréation.

Produire. Reproduire.

Motif. Cycle. Chronique.

Enora Bloc s’est toujours laissé guider par sa créativité et sa passion pour l’art. Elle a obtenu un baccalauréat en histoire des arts, complété par des cours du soir de photographie à l’École des Beaux-Arts de Nantes. Après une première année à l’École de Design Nantes Atlantique, elle s’est tournée vers la médiation culturelle, obtenant un DUT à l’IUT Info-Com de Toulouse.

Pendant ses études, Enora a rejoint la Galerie du Château d’Eau de Toulouse en tant que stagiaire en médiation culturelle, puis a travaillé comme agent d’accueil pendant plusieurs années. Son parcours l’a également conduite à collaborer avec l’équipe fondatrice d’Expolaroid à Nantes, révélant sa passion pour la photographie instantanée. 

Depuis, son appareil Polaroid est devenu un outil thérapeutique, explorant son lien profond avec le corps, une quête intimement liée à son combat contre l’endométriose. Elle oeuvre pour un langage sensible de la maladie. À travers des techniques empruntées aux arts plastiques comme la perforation, la couture, la peinture et le collage, elle travaille sur la photographie comme objet tangible et unique. 

En parallèle de son travail artistique, Enora a partagé sa passion pour la photographie dans le milieu périscolaire pendant près de deux ans. Elle a également animé un cours sur la photographie à l’IUT Info-Com de Toulouse. Elle est aujourd’hui très engagée dans la promotion de la photographie d’auteur-ice contemporaine en contribuant activement au développement de la Galerie Invisible à Nantes.